mercredi 30 novembre 2011

La notion d'élargissement du plan de sortie (pic de sortie nationale) • le distingo entre les notions de continuation et de circulation

Etienne Ollagnier

Après s’être réuni une fois par semaine pendant un an, nous allons nous voir un peu moins souvent. On estime avoir donné les recommandations nécessaires à la signature de contrats et nous avons besoin maintenant de retour du marché et en fonction de ce qui va se mettre en place nous pourrons faire évoluer nos recommandations.


La différence entre la notion de continuation
et celle de circulation
Catherine Bailhache

À ce propos, je voulais aborder le sujet des continuations et des circulations. Elles sont définies dans les recommandations comme suit : une continuation est un suivi en provenance d’une salle ayant sorti le film en nationale, vers une autre salle. Ce suivi étant mis en place aux lundis de programmation après la sortie.

La circulation c’est un peu la même chose, sauf que le suivi est prévu en amont de la sortie nationale. Là où ça se complique, et si je lis bien les textes, c’est que vous introduisez une différence de fond entre les deux au niveau des CN, puisque dans le cadre d’une continuation, plusieurs CN sont dues, alors que dans le cas d’une circulation, une seule doit être payée par le distributeur.



Etienne Ollagnier

Toute la discussion du Comité a porté sur l’augmentation des plans de sorties. Dans le cas d’une circulation, par exemple, j’appelle Sylvain Clochard, programmateur d’Epic, en amont de la sortie. Il me confirme qu’il va sortir le film au Concorde à Nantes et que derrière, pendant six semaines, il va faire tourner le film dans les salles de son circuit. Il va y avoir une CN due au départ et libre à lui de la répartir, éventuellement dans le cadre d’un accord interne au réseau d’Epic.



Catherine Bailhache

Mais pour autant, le montant de cette CN ne va pas être plus élevé que d’habitude. Du coup, ça ne représente pas une grosse somme à se répartir entre six ou sept salles.



Etienne Ollagnier

Non, mais c’est une mutualisation qui est vertueuse. En général, les salles auxquelles on s’adresse dans le cadre de ces circulations sont des groupements régionaux de cinémas petits ou moyens, qui tous seuls auraient plus difficilement accès aux films. Donc moi distributeur, comme je le faisais déjà en 35 mm, je donne une copie qui me coûte tant, mais on va m’assurer une circulation sur six ou huit salles donc j’imagine que je rentabiliserai cette copie.

Si la continuation est venue dans les discussions du Comité, c’est parce que plusieurs gros problèmes nous ont été soumis dans le cas de l’élargissement du plan de sortie.



La notion d'élargissement
du plan de sortie d'un film


Etienne Ollagnier


D’abord qu’est-ce que l’élargissement ? Prenons le cas de films qui marchent et qui sortent par exemple sur 100 copies. Avec de très bons résultats en première semaine, ils vont passer en seconde semaine sur 120 copies, en troisième sur 140… Dans le cas d’un film qui marche, la logique voudrait que l’on prenne le pic, autrement dit son nombre maximum de copies, disons 160 copies en 4e semaine, pour obtenir le nombre de CN à payer par le distributeur. 160 copies, donc 160 CN. Sauf que dans la pratique, s’est posée la question de savoir à qui payer les 60 copies supplémentaires, correspondant à l’augmentation par rapport au plan de sortie initial. Or, les situations sur des exemples très concrets se sont avérées complexes, même dans le cas de sorties cent pour cent numériques. D’autant plus complexes que les salles n’ont pas contracté avec les mêmes interlocuteurs. Par exemple, les tiers investisseurs ont dit : "Notre pic se fait par rapport au parc de salles avec qui nous sommes en contrat. Vous aviez 30 salles dans notre “circuit“ au moment de la sortie, il y en a 35 aujourd’hui, vous nous devez donc 5 CN supplémentaires." Ce à quoi nous, distributeurs, répondons : "Oui nous avons 5 salles nouvelles chez vous, mais dans le même temps, j’en ai perdu 5 ailleurs, donc mon chiffre initial n’a pas bougé."



Catherine Bailhache

Etienne, je me permets d’intervenir, avant que vous ne repreniez, pour donner quelques explications aux personnes qui ne maîtrisent pas les discussions de programmation du lundi matin. Je vais volontairement schématiser.

Jusqu’à présent, au vu du temps et du coût de fabrication d’une copie 35 mm, quand un distributeur disait : "Je sors 100 copies de ce film.", il sortait effectivement grosso modo sur 100 copies – je passe volontairement sur les retirages, l’ADRC et autres. Autrement dit, il faisait un choix, prenait un risque. Une fois ce choix fait, on n'y revenait pas, parce que c'était tout simplement impossible, vu la lourdeur de fabrication des copies.

Aujourd’hui avec la facilité de fabrication du système numérique et son coût moindre, plutôt que de prendre le risque de sortir directement ces 100 copies, il peut déjà en placer 80 en nationale et il sera toujours temps, en deuxième semaine et en fonction de la demande, de rajouter 20 copies. C’est là qu’intervient la notion de pic telle que l’a définie Etienne. Le Comité a donc décidé que le calcul de ce pic serait effectué sur la période des quatre premières semaines d’exploitation. Un temps paraissant raisonnable, sur lequel la plupart des carrières des films se jouent et au-delà duquel toute augmentation supplémentaire ne saurait être prise en compte dans le calcul du pic. La sortie nationale ne se définit donc plus dès la première semaine comme on en avait l’habitude jusqu’alors.

Ce qui complexifie les choses c’est que, même s’il rajoute 50 copies neuves en deuxième semaine, il se peut aussi que parmi les 100 de la première semaine, 30 quittent leurs salles de sortie nationale pour suivre dans 30 autres salles. Et ces 30 là ne sont pas des copies neuves. Ce qui nous donne bien 80 nouvelles salles en seconde semaine, mais seules 50 avec des copies neuves. Voilà pourquoi au bout du compte, un distributeur estimera ne devoir que 50 CN, face à 80 salles qui elles se fichent de savoir d'où vient la copie et estiment toutes devoir percevoir une CN !



Etienne Ollagnier

C’est exactement ça. Et cette problématique de savoir comment on répartit les CN correspondant à l’élargissement de 50 écrans, qui vont concerner 80 salles, est encore compliquée dès lors qu’on a plusieurs interlocuteurs qui eux-mêmes souhaiteraient nous voir raisonner en termes de pic interne à leur réseau. Cela a été l'une des discussions les plus longues du Comité, avec d’un côté des interlocuteurs du marché qui ne voulaient pas entendre parler de pic national et de l’autre les distributeurs rappelant que la loi parle de pic national. Tout ça pour dire que la recommandation à laquelle nous sommes arrivés pour résoudre ces problèmes a consisté à dire qu’un distributeur devrait bien 50 CN et non 80.

Quant à la répartition, elle est simple dans certains cas. Imaginons que nous ayons 50 salles au départ. Ces 50 copies continuent dans les mêmes cinémas en seconde semaine et on ajoute 5 nouvelles salles en seconde semaine. Les 5 nouvelles CN sont donc à payer aux 5 nouveaux cinéma. La difficulté survient quand on a la simultanéité de deux phénomènes, élargissement du plan de sortie et continuations. Dans ce cas, nous avons considéré qu’une caisse de répartition doit être mise en œuvre. Elle va être créée par le CNC, sur la base du système Webcinédi. Pour ceux qui ne connaissent pas, il s’agit d’un logiciel en ligne mis en place par le CNC permettant la remontée des bordereaux de recettes vers le distributeur de manière électronique. L’idée est de rajouter, sur un logiciel équivalent, des informations sur les plans de sortie, pour que ce logiciel puisse évaluer l’augmentation de ces plans et faire en sorte que la caisse de répartition puisse redistribuer les CN de manière équitable aux salles concernées. Si nous reprenons notre exemple, il y aura donc 50 CN à répartir entre 80 salles.