mercredi 30 novembre 2011

Le "carnage" de l'installation numérique des salles

Catherine Bailhache

La parole est maintenant à Laura Koeppel.

Laura, c'est à toi que revient de conclure cette table ronde. Les contrats de CN sont censés courir sur une période de dix ans, mais tu vas nous expliquer pourquoi les salles seront certainement obligées de faire évoluer leur matériel avant la fin de cette période. Tu vas également nous parler du travail des installateurs, de la manière dont les salles sont équipées aujourd’hui.


Laura Koeppel


Pour rebondir sur ce que vient de dire Sylvain Clochard, je suis également très attachée à l’indépendance.

Ce qui me surprend depuis plusieurs années, c’est de voir comment la réflexion sur ce qui touche la technique est toujours mise de côté. Je suis tout à fait convaincue depuis longtemps, que l’assise et le pouvoir des tiers investisseurs, se fait sur quelque chose d’un ordre financier bien sûr, mais aussi sur le fait de garder pour soi un savoir technique dont on nous explique qu’il est extrêmement complexe et sur lequel on ne peut pas avoir de prise. Cela à pour conséquences deux choses.

D’abord le "carnage" de l’installation numérique des salles. Une des raisons à cela, qui est réelle, est la précipitation dans laquelle se font ces installations. Ayant été à la commission d’aide sélective à la distribution, j’ai suivi les demandes faites aux distributeurs pour essayer de préparer ce passage au numérique. J’étais assez consciente du problème qu’allait poser le moment de transition, donc je sais pourquoi ça va vite. En même temps, je constate aujourd’hui que les quelques choses très simples nécessaires à une installation numérique de base ne sont jamais mises en œuvres.







Entrer dans l'ère du numérique,
c'est entrer dans l'ère
de l'obsolescence des machines


Avant de vous donner des exemples, je tiens également à rappeler qu’entrer dans l’ère du numérique, c’est entrer dans l’ère de l’obsolescence des machines. Cela va avoir des conséquences sur le mode de financement actuel.

Les machines que Sylvain Clochard a achetées en 2006 ne sont plus fabriquées aujourd’hui. Idem pour les Barco Série 1 qui étaient encore installés il y a à peine un an, qui ne sont plus fabriquées non plus et ne sont pas upgradables en 4K (format qui commence à arriver dans certaines salles).

Comme j’utilise des machines de différents constructeurs, j’entends parfois des discours qui me paraissent étranges. Par exemple, c’est quand même bizarre que dans notre pays on ait dit qu’il fallait attendre que DLP fasse du 4K alors que Sony en fait depuis six ans (je précise que je n’ai pas de préférences pour l’un ou pour l’autre).

Même sans poser la question du 4K, le fait que l’on se soit équipé il y a deux ans et que les machines ne soient déjà plus fabriquées pose des questions très concrètes sur ce cycle de l’obsolescence dans lequel nous sommes entrés.

Cela dévie un peu du sujet, mais en ce qui concerne la conservation des films, il y a eu récemment un colloque à la Cinémathèque française où j’ai enfin eu le sentiment d’entendre des choses précises et sans langue de bois.







Installation des équipements
privilège du déploiement
au détriment de la qualité des réglages


Pour en revenir au "carnage" de l’équipement des salles : en ce qui concerne les installateurs, qui sont pour certains des gens que je connais depuis vingt ans et qui m’ont sauvée plus d’une fois la mise quand j’avais des problèmes de projections, je ne leur jette pas la pierre, mais si vous devez vous équiper en numérique, il faut savoir que la plupart des grands circuits ont décidé de privilégier le déploiement, donc la rapidité, au détriment de la qualité des réglages de bases qui devraient être effectués, mais qui prennent du temps.

Ensuite, parce que vous n’êtes pas forcément au courant et que vous avez l’impression que c’est compliqué et que la personne qui vient installer chez vous doit être demain matin à l’autre bout de la France et ne va donc pas faire les réglages en vous expliquant que ce n’est pas la peine, on se retrouve aujourd’hui dans une situation où toutes les salles sont en train de s’équiper d’un matériel qui coûte relativement cher, dont on nous a expliqué qu’il est formidable, qu’il marche tout seul et qu’il est bien mieux que le 35 mm… Bref un discours d’une bêtise lénifiante. Tout passage à une nouvelle technologie demande du temps, entraîne forcément des problèmes, génère des bugs qu’il faut corriger, demande des réglages… Vous avez tous un ordinateur, vous voyez ce que je veux dire. Concrètement, je dis que dans 80% des salles, les réglages ne sont pas effectués.






Les 4 réglages impératifs


Quels sont ces réglages ? Il y en a quatre sur lesquels vous ne devez pas transiger :

Premièrement, comme sur un projecteur 35mm, il faut choisir la bonne puissance de lampe pour avoir la bonne luminance (48 Candela/m2).

• Deuxièmement, la colorimétrie, c’est la grosse différence avec le 35mm. Si vous avez la bonne lampe et un projectionniste qui connaît son métier, il sait régler et faire son étale de lumière sur l’écran. À partir de ce moment-là, vous savez que vous allez restituer correctement en termes de couleurs les films que vous projetez. En revanche, un projecteur numérique a besoin d’être étalonné par rapport à votre salle pour qu’il restitue exactement les couleurs des films. Quand ils sortent de l’usine, les projecteurs sont calibrés d’une certaine manière (réglages usine) qui ne correspondra pas à votre salle. Il faut impérativement que l’installateur calibre la colorimétrie et qu’il ne vous raconte pas qu’on peut faire un copier/coller des réglages d’une salle qui ressemble à la vôtre. Même si cette salle est équipée de la même machine, elle n’a pas physiquement le même projecteur, et de toute façon il n’existe pas une salle identique à une autre.

• Troisième chose sur laquelle il faut être intraitable, c’est ce qui correspond en 35 mm à la taille des fenêtres, aux différents formats. En numérique, cela s’appelle une macro. Concrètement, vous avec un dossier par format. Quand vous cliquez sur le bouton correspondant, par exemple pour le 1.85, cela va automatiquement régler l’objectif, le point, la luminance, la colorimétrie correspondant au 1.85. Cela doit impérativement être vérifié par l’installateur qui doit régler les problèmes de parallaxe, de trapèze… qui sont très fréquents puisque l’on sait que les projecteurs sont rarement parfaitement plans et pile en face de l’écran.

• La quatrième et dernière chose à vérifier, c’est la convergence. Certains installateurs expliquent qu’ils ne peuvent pas la régler parce qu’il y a un petit scotch Barco qu’il faut enlever pour ouvrir la machine et effectuer les réglages (et de fait faire sauter la garantie). J’ai posé la question à un monsieur de chez Barco qui m’a certifié que cela était faux et qu’il fallait absolument régler les convergences.

Ces 4 réglages doivent êtres effectués par votre installateur s’il est compétent. Quand je dis compétent, je ne porte pas un jugement de valeur. On sait qu’aujourd’hui les installateurs sont débordés. Au point même que certaines personnes quittent leur poste. Récemment un des meilleurs techniciens que je connaisse a démissionné, m’expliquant qu’il ne faisait plus que du déballage de cartons (il est parti travailler chez un tiers investisseur…).






Sensibiliser le public
à la qualité des projections numériques



Je crois qu’il est impératif aujourd’hui de sensibiliser notre public. Le jour où les spectateurs se rendent compte qu’il y a quelque chose de bizarre lors des projections, il y a un pas qui est difficile à franchir.

Lorsque j’ai supervisé l’installation d’une salle qui m’est proche, il a été inconcevable au début de penser qu’on allait me livrer une machine avec une mauvaise lampe et que j’allais devoir quasiment menacer quelqu’un que je connais depuis vingt ans pour qu’il accepte de faire les bons réglages.

De la même manière, il est difficile pour les spectateurs, auxquels on répète à longueur de temps que le numérique c’est génial, de comprendre pourquoi ce qu’ils voient à l’écran est finalement moins bien qu’avant. Il est donc important de former nos spectateurs.

Il faut aussi préciser que si les réglages luminances peuvent êtres effectués avec un spotmètre, les réglages de colorimétries doivent êtres effectués à l’aide d’un spectromètre qui mesure de manière très précise la luminance et les couleurs à l’écran pour que logiciel qui gère le projecteur puisse recalculer les données et arriver à la norme AFNOR.

Cet appareil coûte évidemment très cher. La version de base de chez Jeti, utilisé par beaucoup d’installateurs, coûte entre 5.000 et 8.000.€. La version beaucoup plus fiable, le Minolta CS-200, coûte entre 15.000 et 20.000.€. A ce prix-là, les installateurs ont une machine pour 15 employés et sont obligés de choisir les salles dans lesquelles ils vont les emporter, en expliquant à ceux à qui ils ne peuvent pas faire les réglages correctement qu’ils reviendront en janvier 2013 pour tout calibrer mais qu’il ne faut pas s’inquiéter, tout va bien se passer...

C’est une réalité. Vous risquez de payer une installation extrêmement onéreuse, avec l’aide du CNC, et vous aurez sur votre écran quelque chose qui n’a rien à voir le film tel qu’il a été conçu. (Le cas m’est arrivé. Alors qu’avec un autre projectionniste de haute volée, encore plus calé que moi, nous savions exactement ce que nous voulions.)

Le problème, c’est que le calcul des lampes que nous savons tous faire en 35 mm n’est plus possible avec les projecteurs. Tous les projecteurs ont des rendus de lumière différents. À tel point que les outils de calcul automatique qui existait sur les sites des constructeurs – je rentre ma taille d’écran et ça me donne la bonne lampe – ne sont pas toujours accessibles. Plus ils sortent de nouvelles machines, plus le rendu est différent. En gros, il faudrait un outil de calcul par projecteur. Du coup, ils vous offrent une lampe à l’achat de la machine, lampe la plus puissante autorisée par le projecteur.

Un exemple. Dans une salle pour laquelle je travaille, nous avions demandé des 1.200 Watts, les machines ont été livrées avec des 2.000 Watts.

En baissant l’intensité de la lampe on était à 72 Candela/m2 : 30% de lumière en trop. On n'en est même plus à se demander si ça se voit. Ça modifie totalement la structure même de l’image, ça modifie complètement la colorimétrie.

À partir du moment où la puissance de la lampe n’est pas bonne, vous n’arriverez jamais à avoir ni les bonnes lumières ni les bonnes couleurs. Quand on a vu ça, j’ai dû envoyer un texto avec un rapport technique à l’installateur, qui me connaît depuis longtemps et qui savait que je ne le lâcherais pas, et le patron de la salle, qui n’est pas un grand technicien mais qui a du respect pour ses spectateurs a dû le menacer de ne pas payer le solde si les bons réglages n’étaient pas effectués.



Catherine Bailhache

Le problème avec les tiers investisseurs c’est qu’on n’a pas de poids là-dessus…



Laura Koeppel

Pour finir sur ce point, je veux juste vous dire que finalement, ce n’est pas très compliqué : il faut juste que vous disiez à l’avance ce que vous souhaitez exactement, et que vous fassiez bien comprendre que vous ne lâcherez pas l’affaire. Également que vous preniez le temps nécessaire. Un chantier, numérique ou 35 mm, j’en ai fait beaucoup, il y a toujours des imprévus, du retard, surtout que dans le cas du numérique, bien souvent, ils ne viennent même pas repérer les cabines à l’avance.

À Vincennes, c’est nous qui avions fait le travail préparatoire. Il faut que vous prévoyiez plus de temps que ce qu’ils vous proposent, donc de fermer votre salle un peu plus longtemps. Il faut aussi les prévenir qu’ils ne partiront pas tant que vous n’avez pas les bons réglages et il faut être avec eux au moment où ils viennent. Les mesures dans la salle, ça n’est pas très compliqué, l’appareil ressemble à une petite caméra qui prend la lumière sur l’écran, ensuite il suffit de lire les valeurs sur l’ordinateur et l’on sait tout de suite si c’est bon ou pas, s’il faut lui demander de recommencer ou pas.





Et la CST ?


Antoine Filippi (CNC)

Première chose, je voulais savoir si vous aviez fait appel au service de la CST quand vous vous êtes heurtée à des difficultés d’installation et quelles sont les réponses qui vous ont été éventuellement apportées – cela dit, j’imagine que la CST est totalement débordée par l’ampleur du phénomène.

Deuxième chose, je viens de la technique, et je n’ai pas le sentiment non plus que dans l’ère du 35 mm, la qualité des calages était toujours exemplaire.



Laura Koeppel

Sur la CST, c’est un peu compliqué de répondre. Si je vous réponds ce que je pense profondément… Je peux me tromper. On va dire que c’est un peu iconoclaste. Premièrement, la CST édicte des normes. Au colloque de la Cinémathèque, Alain Besse (responsable de la diffusion à la CST) expliquait que les normes ne pouvaient avoir force de lois que quand elles sont des lois, justement, et qu’ils ne pourraient intervenir qu’à ce moment-là. La CST vient donc pour contrôler. Ça coûte 500.€, ils viennent et vous expliquent que vous n’êtes pas dans la norme et que vous devez rappeler votre installateur. Ce dernier vous tient alors le même discours, avec ou sans CST, qu’ils repasseront en janvier 2013 pour faire les réglages.

En ce qui concerne le 35 mm, vous avez compris que je devais être également assez exigeante sur ces projections. On sait tous que 80% des multiplexes ne sont équipés qu’en 1.85 et en scope, qu’il y a un certain nombre de dérives depuis longtemps en ce qui concerne la projection. Ça n’est pas propre au numérique. Mais justement, ce passage au numérique aurait pu être un moment où l’on en profitait pour augmenter la qualité des projections.

Ensuite, il est quand même assez aberrant et révoltant de ce dire que vous achetez une machine qui coûte très cher, dont on vous explique qu’elle est géniale, que votre projection va être parfaite, qu’en plus les copies projetées seront les mêmes partout, qu’elles ne s’abîmeront plus… Sauf que partout vous allez voir un film qui n’est pas celui du réalisateur puisque vous n’avez pas les bonnes couleurs.

Et je n’ai pas encore parlé des écrans métallisés, nécessaires pour faire de la 3D avec les systèmes RealD et Master Image. Ces écrans ont un point chaud qui déforme complètement l’étalement de la lumière sur l’écran. En plus, en fonction de l’endroit où vous êtes dans la salle le point chaud se déplace. Vous pouvez voir quatre fois le film d’une place différente et voir quatre fois le film massacré d’une manière différente.



Christian Oddos

Concernant la CST et son rôle sur la vérification des normes, elle risque demain de ne même plus avoir cette influence sur l’agrément des salles par le CNC. Un arrêté serait en effet en préparation, à la demande notamment des grands exploitants, pour faire en sorte que la CST n’émette plus à l’avenir qu’un « avis » strictement consultatif. Ceci donnerait toute liberté aux exploitants pour adopter la technologie numérique et les types d‘écrans qu’ils souhaitent (écrans métalliques 3D par exemple), quelles qu’en soient les conséquences sur la qualité des projections.





Laura Koeppel

Pour finir sur le 35 mm, vous pouviez avoir une mauvaise lumière, des copies abîmées, un mauvais cadre… Mais vous ne pouviez pas changer quelque chose d’aussi subtil que les couleurs. On me dit souvent, " Mais toi, tu vois plus les défauts que les autres.", ce qui m’énerve profondément. Je pense que tout le monde voit les défauts, la seule différence c’est que comme je sais comment ça marche je peux analyser ce que je vois.

En 35 mm, quand il y a des altérations au cours de la projection (rayure, décadrage, casse…), le spectateur sait très bien qu’il s’agit d’un"rajout". À part s’il voit Boulevard de la mort, il sait que la rayure qu’il vient de voir n’est pas l’image du film, et d’un certain point de vue, cela lui permet, presque inconsciemment de corriger ce défaut de projection.

En numérique c’est beaucoup plus complexe puisque ces défauts font partie intégrante de la matière de l’image. De fait, le spectateur n’a plus aucun repère pour identifier les défauts de projection.

Comment je m’en suis rendu compte ? J’avais un débat à Vincennes avec Bertrand Tavernier. Comme je voulais revoir le film, la veille je vais aux Halles, qui venait de s’équiper en numérique. Dès la publicité, j’ai vu qu’il y avait trop de lumière et quand le film a démarré, je me suis dit, que c’était absolument inconcevable que ces couleurs soient celles du film. Je suis restée voir le film, me disant tout du long, je ne peux pas croire que Tavernier et son chef-opérateur aient travaillé comme ça. Le lendemain à Vincennes je suis restée voir le début du film que nous projetions en 35 mm, je peux vous jurer que ça n’était pas le même film. On est dans quelque chose qui est d’une violence extrême.

Sur la manière dont la CST peut contrôler ou pas, je ne connais pas assez les dispositions techniques. Mais qui va payer 500.€ pour que quelqu’un vienne vous dire que vous n’êtes pas conforme à la norme et que vous devez rappeler votre installateur, qu’il faudra repayer et que de toute façon il ne repassera pas avant des mois… Ça ne sert à rien.

D’autre part, sans vouloir jeter la pierre, j’ai eu à appeler la CST sur des choses très concrètes, autre que le numérique, et l’on m’a répondu : "Il n’y a pas de norme, débrouillez-vous." Il y a une instance qui doit créer des normes, mais que je n’ai jamais vue dans les salles, depuis vingt ans que j’y travaille. Je pense vraiment que tant qu’il n’y aura pas de moyens de pression sur les installateurs et sur les exploitants qui veulent faire le travail trop vite, tant que nous n’aurons pas pris de position très claire sur les écrans métallisés (sur lesquels aucun réglage n’est satisfaisant) le travail continuera d’être mal fait et tant pis pour les spectateurs. Si on prend l’exemple d’UGC : j’avais l’habitude d’aller voir les films à 22h30 aux Halles parce que je savais que la qualité de projection était bonne. Comment un circuit, qui avait comme fierté la qualité de ses projections, à partir du moment où il a basculé dans le numérique (on sait avec quelle précipitation), peut-il prendre sciemment des décisions qui font que leurs projections deviennent juste immondes ?… Comme si cela avait fait sauter tous les verrous, que tout est possible et qu’après tout, on se fout des films et des spectateurs.






De la déconsidération
des projectionnistes…




Catherine Bailhache

Je ne suis pas technicienne, mais la différence que je vois également, c’est que dans une cabine 35.mm, que le projectionniste soit un crack où pas, il avait malgré tout une prise sur le matériel. Avec le numérique ils ne peuvent plus rien faire.



Laura Koeppel

Il y a plusieurs choses.

D’abord certaines salles qui s’équipent, avec du matériel très onéreux comme on l'a déjà dit, espèrent faire quelques économies en se passant de projectionnistes. Très vite, il n’y aura plus personne en cabine. Apparaissent déjà les premiers problèmes, le mauvais film qui est lancé, la mauvaise macro… De plus, il n’y a plus aucun respect de la profession de projectionniste alors que nous avons une pratique de l’image projetée. Anecdote : il y a six mois, j’explique à un directeur du déploiement du numérique d’un grand circuit – je travaillais dans une salle de vision dépendant de ce circuit – que les réglages de la salle de vision ne sont pas bons, qu’il faut les refaire. Il me répond, “Tu n’es pas moderne“. Comme on sait que je suis attachée au 35.mm et à la matière de l’image, si je dis que les réglages ne sont pas bons c’est parce que je ne suis pas moderne… Tout ça pour dire qu’au moment des installations, la parole des opérateurs était déjà totalement discréditée. Ce qui fait qu’il n’y a eu aucun retour, même dans les hautes sphères, du carnage qui était en train de se produire.

Pour ce qui est de la prise sur les machines, on peut apprendre à faire des réglages. Si j’en avais les moyens, il y a aujourd’hui des choses que je saurais faire. La convergence par exemple est assez simple à régler (il y a un système de mire qu’on bouge avec de petites molettes, il faut juste enlever ce fameux scotch Barco pour y accéder). Les macros, ce n’est pas beaucoup plus compliqué. C’est juste que, comme une fonction qu’on utilise peu sur son ordinateur, on apprend à la faire une fois et six ou huit mois après, quand on y revient,on a un peu oublié la procédure. La où vous ne pouvez pas intervenir c’est sur la luminance et la colorimétrie puisque vous n’aurez pas les machines de mesures qui coûtent très cher. De toute façon, si vous êtes équipés avec un tiers investisseur il n’est pas question que vous touchiez à la machine... Si vous projetez de la merde tant pis pour vous ! Avec toujours ce discours qui nous explique que le numérique c’est formidable puisqu’on peut tout contrôler à distance avec le réseau. Et la convergence, et la colorimétrie, on peut les contrôler par le réseau ?

En bref, il faut avoir un peu de connaissance technique et ne pas se laisser dire que c’est trop compliqué ou trop rébarbatif.



Catherine Bailhache

On est contraints de quitter les lieux… Cet échange va faire l'objet d'une transcription, consultable et téléchargeable sur le site de l'ACOR. Merci à tous. Et à suivre…