des contributions numériques
Christian Oddos
Avant qu’on ne parte dans les débats économico-techniques, je voulais juste dire quelques mots pour resituer d’où l’on vient et pourquoi on en est là. Cela va être volontairement un peu caricatural.
Il ne faut pas oublier qu’un jour, le marché Nord-Américain a décidé de passer au numérique, essentiellement pour la 3D et les économies d’échelles pour les gros distributeurs. Après un très vif affrontement entre exploitants et distrubuteurs, ils ont décidé mettre en place le système des Virtual Print Fee (VPF) qui est devenu celui de la Contribution numérique (CN) en France. Ils ont donc, comme d’habitude, exporté leur modèle économique sur le marché français.
Avant que la loi ne soit mise en place, la France s’est donc vue imposer un modèle qui favorisait les gros distributeurs et les grosses salles, qui entraient dans une logique d’équipement numérique pour faire des économies d’échelles. Ceci favorisait majoritairement les blockbusters et l’ensemble des films ayant des amortissements sur des durées très courtes.
Très rapidement les indépendants (salles, distributeurs et producteurs) et les auteurs ont décidé de créer une association qui s’appelait le CIN - Collectif des indépendants pour le numérique, qui a été piloté au départ par les distributeurs puisque que ce sont le DIRE et le SDI qui furent à l’origine de cette dynamique. Nous nous sommes dit que si nous laissions ce modèle américain se mettre en place, nous allions nous retrouver dans un système à deux vitesse avec des grosses salles équipées, quelques petites salles équipées grâce aux subventions locales et autres, et une grande part de salles pas équipées du tout. Ce qui n’était pas envisageable pour les distributeurs, surtout les moyens et les petits, qui se retrouvaient en porte-à-faux, obligé d’engager des doubles frais, de masters et de copies 35 mm… Ce que nous expérimentons encore aujourd’hui puisque nous sommes encore en période de transition entre les deux systèmes.
Partant de ce constat, le Collectif s’est demandé comment faire pour que ce marché de salles et de films ne soit pas laissés pour compte. Je dis bien de salles et de films, car les distributeurs, dès le départ, contrairement au CNC, ont bien essayé de faire comprendre que s’il y avait un problème de salles, il y avait aussi un problème de films et de capacité pour les distributeurs à les proposer sur les deux types de formats. Pendant deux ans, nous avons eu pour objectif de proposer un système mutualisé, dans la philosophie du fonds de soutien, dans lequel on intégrait l’idée de la contribution numérique, parce qu’on ne pouvait pas faire autrement, mais en essayant de faire en sorte que cette contribution serve à équiper très vite la totalité des salles qui n’avait pas accès à cette logique de marché ou de subventions.
Avant qu’on ne parte dans les débats économico-techniques, je voulais juste dire quelques mots pour resituer d’où l’on vient et pourquoi on en est là. Cela va être volontairement un peu caricatural.
Il ne faut pas oublier qu’un jour, le marché Nord-Américain a décidé de passer au numérique, essentiellement pour la 3D et les économies d’échelles pour les gros distributeurs. Après un très vif affrontement entre exploitants et distrubuteurs, ils ont décidé mettre en place le système des Virtual Print Fee (VPF) qui est devenu celui de la Contribution numérique (CN) en France. Ils ont donc, comme d’habitude, exporté leur modèle économique sur le marché français.
Avant que la loi ne soit mise en place, la France s’est donc vue imposer un modèle qui favorisait les gros distributeurs et les grosses salles, qui entraient dans une logique d’équipement numérique pour faire des économies d’échelles. Ceci favorisait majoritairement les blockbusters et l’ensemble des films ayant des amortissements sur des durées très courtes.
Très rapidement les indépendants (salles, distributeurs et producteurs) et les auteurs ont décidé de créer une association qui s’appelait le CIN - Collectif des indépendants pour le numérique, qui a été piloté au départ par les distributeurs puisque que ce sont le DIRE et le SDI qui furent à l’origine de cette dynamique. Nous nous sommes dit que si nous laissions ce modèle américain se mettre en place, nous allions nous retrouver dans un système à deux vitesse avec des grosses salles équipées, quelques petites salles équipées grâce aux subventions locales et autres, et une grande part de salles pas équipées du tout. Ce qui n’était pas envisageable pour les distributeurs, surtout les moyens et les petits, qui se retrouvaient en porte-à-faux, obligé d’engager des doubles frais, de masters et de copies 35 mm… Ce que nous expérimentons encore aujourd’hui puisque nous sommes encore en période de transition entre les deux systèmes.
Partant de ce constat, le Collectif s’est demandé comment faire pour que ce marché de salles et de films ne soit pas laissés pour compte. Je dis bien de salles et de films, car les distributeurs, dès le départ, contrairement au CNC, ont bien essayé de faire comprendre que s’il y avait un problème de salles, il y avait aussi un problème de films et de capacité pour les distributeurs à les proposer sur les deux types de formats. Pendant deux ans, nous avons eu pour objectif de proposer un système mutualisé, dans la philosophie du fonds de soutien, dans lequel on intégrait l’idée de la contribution numérique, parce qu’on ne pouvait pas faire autrement, mais en essayant de faire en sorte que cette contribution serve à équiper très vite la totalité des salles qui n’avait pas accès à cette logique de marché ou de subventions.
Catherine Bailhache
Pour
résumer, ce système permettait que toute les CN soient mises dans un
pot commun et que les grosses salles, qui allaient logiquement en
toucher le plus, aident à rembourser l’équipement des plus petites.
Christian Oddos
Sauf
qu’à l’époque, la durée sur laquelle allait être payée la CN n’était
pas encore fixée. Nous avions beaucoup d’interrogations là-dessus,
notamment sur la façon de ne pas pénaliser les films qui circulent et
font leur carrière sur le long terme. FNDF n'est pas entrée dans le Collectif, cependant que la FNCF
freinait des quatre fers devant l’évolution du numérique, du moins
devant notre modèle. Le Collectif a donc souhaité que son modèle soit
relayé par le CNC, qu’il devienne officiellement une sorte de « fonds de
soutien bis » dédié au numérique.
Le CNC a repris une très grande part de nos propositions, les a adaptées aux exigences réglementaires nationales et européennes et a ensuite proposé le texte l’Autorité de la concurrence pour validation.
Pour des raisons que j’ignore, le CNC a très longtemps considéré comme évidente que la réponse serait positive. Nous avons aussi rencontré cette Autorité, qui a très largement auditionné les professionnels du cinéma, y compris les tiers opérateurs, qui existaient déjà à ce moment-là. Ils avaient déjà pris des positions sur le marché et voyaient bien sûr ce fonds de soutien d’un très mauvais œil, comme pouvant leur prendre des clients potentiels.
Pour mémoire je rappelle qu’il existe trois type de tiers. Les tiers financeurs, les tiers opérateurs et les tiers collecteurs. Dans les trois cas de figures le principe est le même, on regroupe des salles et un intermédiaire se met en place entre elles et le distributeur ; seule la logique financière change. Ce «.tiers.» est chargé de négocier avec les fabricants de matériel et les installateurs dans les salles (en finançant directement le coût ou en garantissant à terme son amortissement vis-à-vis des établissements de crédit). Il permet à la salle de trouver un financement soit en apportant l’investissement soit en garantissant un emprunt. Il se charge ensuite de collecter les CN qui permettent d’amortir l’investissement. C’est un nouvel intermédiaire qui arrive sur un marché sur lequel il n’y avait antérieurement que des exploitants et des distributeurs.
Je reviens au texte présenté par le CNC, qui a donc été rejeté par l’Autorité de la concurrence. Elle a considéré qu’il ne permettait pas aux tiers opérateurs de se développer librement, qu’il interférait avec la liberté de commerce du marché et que le CNC, pouvoir réglementaire attribuant des fonds publics, était à la fois juge et partie. Ce qui est étonnant, c’est que le fonds de soutien classique n’est pas jugé comme anti-concurrentiel, mais le fonds de mutualisation sur le numérique oui, alors que nous sommes clairement sur la même logique. Je pense quand même que le CNC n’a pas bien communiqué sur le dossier. Par ailleurs, il convient d’être conscients que l’Autorité de la concurrence défend désormais des principes guidés par une logique économique d’inspiration purement libérale.
Le CNC a repris une très grande part de nos propositions, les a adaptées aux exigences réglementaires nationales et européennes et a ensuite proposé le texte l’Autorité de la concurrence pour validation.
Pour des raisons que j’ignore, le CNC a très longtemps considéré comme évidente que la réponse serait positive. Nous avons aussi rencontré cette Autorité, qui a très largement auditionné les professionnels du cinéma, y compris les tiers opérateurs, qui existaient déjà à ce moment-là. Ils avaient déjà pris des positions sur le marché et voyaient bien sûr ce fonds de soutien d’un très mauvais œil, comme pouvant leur prendre des clients potentiels.
Pour mémoire je rappelle qu’il existe trois type de tiers. Les tiers financeurs, les tiers opérateurs et les tiers collecteurs. Dans les trois cas de figures le principe est le même, on regroupe des salles et un intermédiaire se met en place entre elles et le distributeur ; seule la logique financière change. Ce «.tiers.» est chargé de négocier avec les fabricants de matériel et les installateurs dans les salles (en finançant directement le coût ou en garantissant à terme son amortissement vis-à-vis des établissements de crédit). Il permet à la salle de trouver un financement soit en apportant l’investissement soit en garantissant un emprunt. Il se charge ensuite de collecter les CN qui permettent d’amortir l’investissement. C’est un nouvel intermédiaire qui arrive sur un marché sur lequel il n’y avait antérieurement que des exploitants et des distributeurs.
Je reviens au texte présenté par le CNC, qui a donc été rejeté par l’Autorité de la concurrence. Elle a considéré qu’il ne permettait pas aux tiers opérateurs de se développer librement, qu’il interférait avec la liberté de commerce du marché et que le CNC, pouvoir réglementaire attribuant des fonds publics, était à la fois juge et partie. Ce qui est étonnant, c’est que le fonds de soutien classique n’est pas jugé comme anti-concurrentiel, mais le fonds de mutualisation sur le numérique oui, alors que nous sommes clairement sur la même logique. Je pense quand même que le CNC n’a pas bien communiqué sur le dossier. Par ailleurs, il convient d’être conscients que l’Autorité de la concurrence défend désormais des principes guidés par une logique économique d’inspiration purement libérale.
Sylvain Clochard
Pour moi c’est vraiment le fond du problème. Il y a ce système qui s’est mis en place au Etats-Unis parce qu’ils n’ont pas d’équivalent du CNC.
En France, comme tu l’as dit, il existe un fonds de mutualisation dont
le but premier, je le rappelle, est l’aide à la création, la
modernisation et à l’équipement des salles. Ce fonds de soutien étant
alimenté par la TSA (Taxe spéciale d'un montant de 10,72% du prix d’un
billet ponctionnée par le CNC pour constituer un fonds de
réinvestissement dans le cinéma et l'audiovisuel) et redistribué à
l’ensemble de la filière française. C’est ce qui fait la spécificité du
système français. Il y avait donc une solution très simple, avant de se
lancer dans le système de la CN, qui était de partir directement de ce
fonds soutien et de voir comment l’adapter. Finalement cette option n’a
pas été étudiée. Nous
sommes partis sur le système américain qui part d’une somme forfaitaire,
alors que le système du fonds de soutien est proportionné (en
fonction des recettes). À partir du moment où l’on créer une notion de
seuil (la CN en l’occurrence) on entraîne nécessairement des
questionnements nouveaux au moment de la sortie des films : chez qui va
sortir le film, à qui paye-t-on 500.€ de CN ? Quand on est sur un
système proportionné ces questions ne se posent pas. Que le film sorte
ou pas chez vous, vous cotisez. Tous les problèmes que le comité consultatif essaie de résoudre aujourd’hui partent de là.
Christian Oddos
C’est
l'une des propositions que le SDI avait faite au moment où le texte a
été retoqué. Nous avions proposé une majoration temporaire de la TSA
qui se serait arrêtée après l’amortissement du matériel.
Catherine Bailhache
Sauf qu’entre-temps les tiers investisseurs avaient déjà commencé à travailler…
Christian Oddos
C’est
justement un des faux arguments qui a été utilisé par le CNC, disant
que dans certains cas il faudrait payer deux fois… Sauf que nous avions
proposé un système de péréquation qui permettait de rembourser ceux qui
avaient déjà versé des CN, de façon à ce que cela soit totalement
neutre. Cela a été refusé sous le prétexte que l’Union européenne
devrait être consultée et que l’obtention d’une réponse mettrait deux
ans à parvenir. Cette solution, également soutenue par le GNCR n’a même pas été étudiée mais refusée a priori.
Laura Koeppel
Pour nous, les enjeux qui découlent de tout cela sont très clairs, mais il faut dire que ces tiers, ces
financiers, arrivent exactement sur la ligne de rapports de forces,
souvent cordiaux mais relativement tendus, qui existe entre
distributeurs et exploitants. C’est cette ligne qui permet aux
films de sortir, de trouver leur public, mais aussi de faire remonter
l’argent vers les distributeurs et le CNC. Si ces enjeux sont tellement
importants, et la grande crainte que l’on peut avoir, c’est de savoir
comment ces financiers vont jouer sur cette ligne de rapports de forces
qui est finalement la plus tendue de la profession. Dans quelles mesures
cela risque-t-il de faire bouger des lignes qui sont déjà très
complexes ? Notamment pour des films qui sont plus fragiles que d’autres
et des salles indépendantes qui font parties de la petite et moyenne
exploitation. Les dispositifs mis en place après le refus du texte par
l’Autorité de la concurrence vont-ils permettre ou pas de contrôler
cette fracture ?
Personnellement, je pense que cela redéfinit une nouvelle ligne, qui n’est plus entre distributeurs et exploitants, mais entre gros circuits et gros distributeurs d’un côté et distributeurs indépendants et salles indépendantes de la petite et moyenne exploitation de l’autre. Des personnes qui avaient l’habitude d’être face à face devraient peut-être réfléchir sérieusement à discuter ensemble si on ne veut pas voir certains films et certaines salles disparaître, tout simplement.
Personnellement, je pense que cela redéfinit une nouvelle ligne, qui n’est plus entre distributeurs et exploitants, mais entre gros circuits et gros distributeurs d’un côté et distributeurs indépendants et salles indépendantes de la petite et moyenne exploitation de l’autre. Des personnes qui avaient l’habitude d’être face à face devraient peut-être réfléchir sérieusement à discuter ensemble si on ne veut pas voir certains films et certaines salles disparaître, tout simplement.
Catherine Bailhache
Pour
clore cette introduction, même les gens qui n’ont pas l’habitude auront
bien compris que ce sujet, même s’il est clos aujourd’hui, continue de
déchaîner les passions. Il y a beaucoup de frustration de n’avoir pas
réussi à mettre en place ce système dont on peut penser qu'il aurait
certainement très bien fonctionné.